J’ai découvert par un hasard heureux un documentaire splendide intitulé Les Rivières, réalisé par Mai Hua, artiste française d’origine Vietnamienne et blogueuse. À la dernière image, je me suis demandé s’il n’avait pas été posé sur mon chemin pour me révéler quelques facettes de mon roman familial, comme il y a des chansons que l’on croit écrites pour soi. Je laisse ici tomber ce fantasme narcissique pour partager mon émotion…
Comme des images valent mieux que de longues explications, voici celles présentant l’appel à projet d’antan. Ne vous ruez pas pour le financer, car il existe bel et bien à ce jour ! Je l’ai préféré à la bande-annonce, car il exprime le désir d’exister, la nécessité d’être et la joie de porter ce film au jour de ses quatre protagonistes féminines principales.
[ J’ai aussi choisi le lien Vimeo, car vous y trouverez la possibilité de louer/acheter OU, mieux encore, d’offrir le film à quelqu’un ! ❤ ]
Le talent de Mai Hua est d’avoir tissé avec pudeur son propre roman familial, en se focalisant sur le cordon sensible reliant les femmes de sa famille, rongé selon son oncle par une malédiction frappant chacune d’elles. Pour mieux comprendre son histoire familiale, elle tourne la caméra vers elle et sa propre fille qu’elle entend protéger de la fatalité, et interroge en images sa propre mère et sa grand-mère. Elle rassemble ainsi quatre générations de femmes hautes en couleurs et courageuses dans des scènes parfois cocasses, drôles, mais à la lisière d’un passé plus douloureux et du crépuscule prochain d’un grand-père ambigu, déjà entre la vie et la mort.
C’est également à l’interstice de deux pays, le Vietnam où sont restés le grand-père et l’histoire des « malédictions » passées, et la France où renaît la grand-mère d’une lourde démence, que sont livrées outre les clefs du récit, de magnifiques séquences de famille, tout en légèreté et piquées de dialogues bouillonnant de vie. Le récit est intime, mais Mai Hua semble avoir misé sur sa portée universelle, et sur un cadre d’interprétation proche de ce qu’on nomme la « constellation familiale » …
J’emprunte les mots de Mai Hua pour esquisser l’épilogue de ce récit familial éblouissant : « J’ai fait un stage de constellation familiale qui m’a aidée à regarder toute cette histoire – notre histoire, mon histoire – dans son ensemble. Et à choisir de me sauver, moi, plutôt que de vouloir sauver ma fille et toutes les femmes de ma lignée, qui ne m’avaient rien demandé. L’automne dernier, j’ai enfin terminé mon film. Je l’ai appelé Les Rivières, parce que c’est l’histoire de tous nos “je” cristallisés dans une famille, où la loyauté exigeait qu’on dise “nous”, qui se libèrent enfin pour couler librement. Mais c’est surtout l’histoire du très lent processus de mon “je” à moi, qui ose prendre sa liberté et embarquer dans son élan toutes les rivières qui coulent en moi. C’est bouleversant, magnifique et complexe. Comme la vie. » [Mai Hua in Psychologies Magazine, juillet 2020, p65 ]
Si vous aussi Les Rivières vous touche intimement, n’hésitez pas à le faire circuler, s’écouler en l’offrant à vos proches [via Vimeo on demand ou le site du film] !
Outre ce film bouleversant, Mai Hua a également co-réalisé un autre film documentaire au long cours : Make Me A Man qui « pénètre au cœur du processus thérapeutique d’hommes, qui ont choisi de vivre une vie de réflexion, d’évolution et de soutien. »
Ce film, qui porte une réflexion sur les nouvelles masculinités, sujet cher au CVFE, sera projeté le 25 mai prochain à Bruxelles, au sein de l’asbl Émergences. Le public aura la chance de pouvoir échanger ses questions et réflexions avec la réalisatrice Mai Hua !
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