(é)Prise de parole

(é)Prise de parole

Raconter, dénoncer, imaginer...et passer à l'action

Un documentaire qui élargit les frontières des luttes féministes *

Ce lundi 8 mars, le CVFE a participé aux actions féministes menées à Liège pour célébrer (et rappeler haut et fort !) la Journée internationale des droits des femmes.

L’un des aspects fondamentaux de ces droits est le droit à disposer librement de son corps, que ce soit en recourant à l’IVG, à refuser toute mutilation génitale, à ne pas subir de discrimination à l’emploi en fonction de son orientation sexuelle ou de son identité de genre, à ne pas être emprisonnée abusivement, à pouvoir disposer facilement de protections hygiéniques (la « précarité menstruelle » fut mise en avant à Liège, notamment par le COMAC), à ne pas subir de violences de genre, ni domestique, ni sexuelle… Autant de droits que répertorie la section belge d’Amnesty International, sous forme de « bonnes nouvelles », car l’association estime qu’à tous ces niveaux, il y a eu durant la crise sanitaire des avancées de par le monde !

 

Au cours de l’étude menée sur l’écologie sociale, j’avais glané sur l’internet la mention d’un documentaire réalisée par de jeunes réalisatrices : Ni les Femmes ni la Terre (France, 2018) de Marine Allard, Lucie Assemat et Coline Dhaussy. Dans une veine pleinement assumée comme « écoféministe », les auteures plantent le décor de leur périple en Amérique du Sud et tout d’abord en Argentine, dans une Maison des Femmes qui accueillent des femmes victimes de violences conjugales qu’elles qualifient plus justement de « machistes » (1). Elles expliquent que la Maison est un lieu où parler et où APPRENDRE, SE DÉFENDRE, pas forcément par la violence, mais surtout par la dénonciation publique et collective, via pourquoi pas la danse (cfr Las Tesis au Chili) et les marches colorées et combatives de femmes.

Très vite, on glisse vers un Collectif des mères (d’Ituzaingo Anexo, quartier excentré de Córdoba, la 2ème ville d’Argentine) qui a fait analyser le sol, l’air et l’eau qui nourrissent leur quartier, qui est bordé de champs de soja transgénique depuis l’arrivée en Argentine de la firme d’agroalimentaire américaine Monsanto, au milieu des années 1990. On y a découvert du plomb, du chrome, de l’arsenic et de l’Endosulfan, substance interdite dans plus de 80 pays à cause de ses effets nocifs sur la santé (seul ou combiné à d’autres pesticides en cocktail chimique, il est suspecté d’avoir entrainé la mort de centaines de personnes depuis les années 1970, selon un article du Monde). Ainsi, dans de nombreux pays en voie de développement et sur de nombreux territoires indigènes, des transnationales « ouvrent les veines » des terres autrefois nourricières pour puiser l’eau qu’elles utiliseront notamment dans les mines, les barrages, la fracturation hydraulique utile aux forages des industries pétrolières et gazières, etc. Ces femmes indigènes, très proches de leur « Ñuke Mapu », leur « Terre-Mère », voient cet extractivisme forcené, non seulement comme responsable de catastrophes naturelles engendrant le réchauffement climatique global, mais aussi comme un viol de leur propre corps-territoire.

C’est pourquoi elles militent au risque de leur vie, entre femmes essentiellement, étant habituées au soin de leur famille, et les hommes étant selon leurs dires souvent abrutis par l’alcoolisme. En Argentine et en Bolivie, dans les favelas, les périphéries urbaines, les campagnes, elles s’organisent avec dignité contre notre monde extractiviste et le géant Monsanto, contre les violences faites aux femmes. Contre l’appropriation de leurs territoires et de leurs corps.

Là-bas, comme dans d’autres parties du monde, cette lutte pour l’autodétermination des territoires, pour la justice climatique, pour une vie saine et solidaire font écho à nos manifestations brutalement interrompues par l’irruption de la covid-19.

Courageusement, elles affrontent des multinationales soutenues par des états autoritaires et corrompus. Elles ouvrent des chemins vers une révolution écoféministe.

Nous avons déambulé à Liège pour découvrir les associations locales. Heureusement que l’art et le cinéma nous ouvre le regard par-delà nos frontières pour découvrir d’autres luttes féministes !

 

(dans ces mêmes latitudes, nous rappelons cet article que nous avions posté sur la probable venue prochaine de militantes zapatistas du Mexique au printemps 2021…)

                                        *

(1) Prochainement, Roger Herla publiera une analyse traitant de l’importance de poser des mots « justes » pour lutter contre les violences que l’on qualifie « conjugales » dans notre droit belge.

 

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